Publié le 21/01/2020 dans La Séléction
L'inquiétude croissante quant à l'impact de ce que nous consommons sur la planète pousse la demande de vin plus respectueux de l'environnement.
L'industrie viticole est généralement un secteur à évolution lente (du moins dans l'ancien monde), qui met l'accent sur la tradition. On a parfois l'impression que le monde bouge mais que les vins restent les mêmes, ce qui fait aussi partie du charme.
Malgré cela, les enjeux environnementaux suscitent un intérêt croissant chez les consommateurs, et les viticulteurs suivent le mouvement (même si certains furent très avant-gardistes sur le sujet). Quatre types de techniques de vinification plus respectueuses dominent le marché : Le vin biodynamique, le vin biologique, le vin végan et le vin naturel. Mais que signifient-elles concrètement ? Et où trouve-t-on ces vins à Bordeaux ?
Un vin biodynamique est élaboré selon les principes de l'agriculture biodynamique tout au long du processus de vinification. Les idées de l'agriculture biodynamique sont apparus dans les années 20 grâce au philosophe autrichien Rudolf Steiner. L'agriculture biodynamique est issue de l'anthroposophie, avec une approche holistique de l'agriculture et de la viticulture. La vinification biodynamique combine les techniques de l'agriculture biologique avec le spiritisme, l'astrologie (suivant les cycles lunaires) et les perspectives mystiques. Une partie importante de l'agriculture biodynamique est constituée par les 9 préparations aidant à la fertilisation des sols. L'utilisation de fleurs séchées telles que le pissenlit et la camomille, par exemple, fait partie intégrante du compostage dans l'agriculture biodynamique (voir l'image ci-dessous).
Beaucoup considèrent Nicolas Joly comme le père des vins biodynamiques. Ses vins blancs secs, issus du cépage Chenin Blanc, à Savennières, dans la vallée de la Loire (Clos de la Coulée de Serrant), sont considérés comme les meilleurs au monde. Nicolas Joly a étudié l'œnologie à Bordeaux et a repoussé les limites des vins biodynamiques en écrivant plusieurs livres sur le sujet. Sur ses parcelles de Savennières, des chevaux labourent les champs et des cornes de vache remplies de fumier sont enfouies profondément dans le sol pour aider à la fertilisation, le tout selon les règles de la biodynamie. A noter qu'il existe bien une certification de biodynamie (Demeter), mais que beaucoup de propriétés choisissent de n'appliquer que certaines méthodes, et ne sont donc pas toujours certifiées.
L'objectif majeur de la vinification en biodynamie est la préservation et l'amélioration des sols exploités. Le vignoble, les terres et tout leur écosystème sont considérés comme une seule et même unité à préserver. Un grand nombre de châteaux bordelais utilisent les principes de biodynamie. Le Château Mazeyres à Pomerol, par exemple produit des vins de cépage merlot suivant les principes de la biodynamie. Le Château Fonroque (Saint Émilion Grand Cru), est un vinificateur biodynamique depuis 2001. Le Château Falfas dans les Côtes de Bourg est un vin biodynamique offrant un excellent rapport qualité-prix.
La demande de vin biologique est sans aucun doute en augmentation, mais l'application des pratiques de l'agriculture biologique à la vinification n'est pas sans complications. De nombreux consommateurs mélangent les concepts de bio et de végétarien (ou végétalien), qui sont différents. Un vin bio peut notamment utiliser des blancs d'œufs et des enzymes animales (voir ci-dessous pour le passage sur le vin végétalien). Malgré un intérêt croissant pour les produits biologiques, la part de marché des produits biologiques, tant dans le domaine de l'alimentation que dans celui du vin, reste limitée.
Les vins biologiques sont des vins produits à partir de raisins cultivés biologiquement. De plus, la culture biologique du raisin signifie que l'utilisation de produits chimiques artificiels tels que les pesticides, les fongicides, les herbicides, etc. est interdite. Une technique courante utilisée dans les vignobles biologiques est la présence d'abeilles pour favoriser la pollinisation ainsi que la protection contre les insectes et les parasites indésirables. Selon l'emplacement du vignoble, cultiver des raisins de manière biologique tout en maintenant la qualité et la régularité du vin peut être un défi de taille. En effet, les vignobles situés dans des endroits plus frais et plus humides sont notamment beaucoup plus exposés aux maladies fongiques et à la mauvaise pourriture. Tel est le cas de Bordeaux.
L'utilisation de sulfites (SO2) est un autre sujet brûlant en matière de vin biologique. Les sulfites se trouvent naturellement dans le vin mais sont également ajoutés pour stabiliser et préserver la qualité du vin. Aux États-Unis, les sulfites ne peuvent pas être ajoutés à un vin biologique, alors qu'en Europe, un vin biologique peut encore contenir une quantité considérable de sulfites ajoutés. Cette situation constitue un obstacle à la comparaison des vins biologiques américains et européens, plutôt déroutante pour le consommateur. Mais les viticulteurs certifiés bio européens tendent généralement à utiliser le moins de sulfites possibles.
La part des plantations de vin biologique à Bordeaux est d'environ 6 %, soit environ 8 000 hectares sur un total d'environ 120 000 hectares. Il est relativement facile de trouver des viticulteurs biologiques, et de plus en plus de châteaux s'orientent tout ou en partie vers cette agriculture. Le Château Climens (Barsac), par exemple, produit d'excellents vins blancs doux qui sont depuis quelques années biodynamiques et biologiques. Le Château de la Dauphine (Fronsac) est un exemple d'excellents vins rouges issus de l'agriculture biologique. Un autre favori est le Château d'Aiguilhe (Castillon - Côtes de Bordeaux), d'excellents vins biologiques du propriétaire de Canon la Gaffeliere.
Y a-t-il des produits d'origine animale dans le vin ? ! Intuitivement, on répondrait non. Mais oui, dans presque tous les vins, le viticulteur aura utilisé des protéines animales pour filtrer le vin des petites particules de levure et du "trouble". Pour le vigneron, ces protéines sont appelées agents de collage et peuvent être à base de blancs d'œufs, de sang et de moelle osseuse, de protéines de lait ou même de gélatine provenant de vessies de poisson... appétissant! Ces substances aident à lier les petites particules qui restent dans le vin après la vinification et les rendent ainsi plus faciles à extraire lors de la filtration.
Heureusement, si vous préférez boire un vin végan, il y a de plus en plus de choix sur le marché. Dans un vin végan, des éléments tels que l'argile, le calcaire ou le carbone ont été utilisés comme agents de collage pour clarifier le liquide. Certains vins ne subissent tout simplement aucun collage ou clarification et sont laissés à l'"auto-clarification". Ces vins le mentionnent généralement sur leur étiquette, mais pas toujours. Il est difficile de savoir si un vin est végan ou non, car il n'existe pas de véritables normes d'étiquetage. Nous avons choisi trois bons vins végan de Bordeaux :
Château Galoupeau (Entre-Deux-Mers), Château Macquin (Saint Georges Saint Émilion), Château Batailley (Pauillac, Médoc)
Déjà confus entre tous ces termes? ! Penchons-nous donc maintenant sur le vin naturel, un domaine où presque tous les vignerons suivent leurs propres normes. La notion de vin naturel est née dans le Beaujolais français dans les années 1960, lorsqu'un groupe de viticulteurs se sont réunis autour de convictions similaires. C'est ainsi qu'est née la notion de vin naturel, parfois aussi nommé "vin nature".
Le vin naturel est souvent considéré comme un retour aux sources, un vin dépouillé de tous ses additifs et des techniques de vinification modernes. Les puristes pensent que le vin doit être du jus de raisin fermenté et rien d'autre. Faire du vin comme il se faisait au Moyen-Âge, quand les produits chimiques, les levures cultivées et les acides tartriques n'étaient pas disponibles, et que la récolte à la machine était un rêve lointain. Le vin "à faible intervention", le vin "nu" ou le vin "brut" sont d'autres noms possibles.
Le vin naturel peut vous sembler très différent du vin "normal", tant par son aspect que par son goût. Il peut avoir l'air trouble avec des particules flottantes parce que le vin nature n'est pas collé ou clarifié à l'aide d'additifs d'origine animale ou vegan. Il peut également avoir un goût différent parce que vous ne pouvez pas ajouter de sucres pour adoucir le produit, ou ajouter des acides tartriques pour en augmenter l'acidité. Faire du vin naturel pour un viticulteur signifie s'exposer à beaucoup plus de risques et d'incohérences dans son vin. Le potentiel de garde est également limité. Et le vigneron s'expose même à ne pas pourvoir vendre son vin, comme on a pu le voir autour des débats sur l'acidité volatile (il existe en effet des normes pour la consommation qui font débats). Il est en effet quasi-impossible de stabiliser son vin, et le consommateur doit se préparer à cela. Comparer des bouteilles de vin naturel peut s'avérer intéressant, la différence dans les évolutions est souvent flagrante.
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